Origine des ingrédients, méthode de production: les consommateurs exigent des informations. La filière du vacherin Mont-d’Or AOP a numérisé sa traçabilité. Pour plus de sécurité interne et pour rassurer ses clients.
n peut être une spécialité fromagère traditionnelle et avoir recours à des solutions informatiques innovantes! Le vacherin Mont-d’Or l’a prouvé en annonçant la numérisation de tout son processus de fabrication, de la réception du lait à l’affinage en passant par la fabrication. Temps de saumurage, pH, nettoyage des lots: tout y est. Fini les formulaires papier, désormais les fromagers
tapoteront sur leurs tablettes entre l’emprésurage du lait et la mise en moules du caillé. Ce saut technologique a été lancé par l’Interprofession du vacherin Mont-d’Or AOP, en collaboration avec la start-up valaisanne FairTrace.
Le fromager et affineur Vincent Tyrode, à L’Auberson (VD), a participé activement à l’élaboration de cette solution informatique. Il l’a d’ores et déjà mise en place pour cette saison 2017-2018 du vacherin Mont-d’Or qui vient de débuter. «C’est un outil qui est désormais à la disposition de nos membres. À terme, un million de fromages seront identifiés de cette manière, signale Pascal Monneron gérant de l’Interprofession. La traçabilité faisait jusqu’alors l’objet de beaucoup de paperasserie. Désormais, la vie de chaque fromage est rapidement consultable sur tablette. En cas de problème, on peut vite réagir.»
Une filière très surveillée
En ce sens, la filière du vacherin Mont-d’Or AOP est sans doute encore plus à cheval sur les questions de sécurité alimentaire que d’autres productions fromagères. En effet, ses pâtes molles sont par essence plus fragiles. Elles traînent derrière elles aussi les séquelles des problèmes de listériose qui avaient mis la Suisse en émoi et la filière en danger à la fin des années huitante. «Chaque année, deux ou trois lots sont détruits à la
suite de problèmes bactériologiques ou chimiques, précise Pascal Monneron. Le vacherin Mont-d’Or AOP est le fromage le plus contrôlé de Suisse. Le logiciel que nous avons développé est très complet. Il pourrait tout à fait être adapté et adopté par d’autres filières fromagères.»
Le développement de ce système de traçabilité interne a coûté 60 000 francs, dont la moitié a été financé par l’Office fédéral de l’agriculture dans le cadre de l’ordonnance sur la promotion de la qualité et de la durabilité dans le secteur agroalimentaire. Ce dernier envisage d’ailleurs d’étendre l’utilisation de cet outil à d’autres secteurs agroalimentaires helvétiques.
Qu’y gagne le consommateur?
Assurer la sécurité alimentaire, c’est bien. Encore faut-il le faire savoir. L’entreprise FairTrace a donc également développé une étiquette code QR (voir l’encadré ci-contre) pour la fromagerie Tyrode qui produit 120 des 580 tonnes de vacherin Mont-d’Or AOP fabriquées annuellement. «Une partie des consommateurs est à la recherche d’informations plus complètes et fiables sur les produits qu’elle achète, estime Bertrand Baeriswyl, directeur de FairTrace. Ces étiquettes sont collées sur les boîtes et donnent accès à des informations permettant de rendre visible le processus de traçabilité de la filière. Il est le garant de la qualité du produit et justifie aussi en partie son prix.»
Ce que l’on ne peut pas mettre sur l’étiquette trouve donc refuge sur internet. Dans le cas qui nous occupe, l’historique du lot précise la date de fabrication, celle d’arrivée en cave, la durée d’affinage, la date de commercialisation et une phrase on ne peut plus rassurante: «Toutes les analyses sont conformes.» À cela s’ajoutent des informations purement marketing: les coordonnées de la fromagerie, des photos et une vidéo de démonstration. «De telles informations sont évidemment plus digestes que le cahier des charges de l’Interprofession in extenso, c’est évident! Elles ne peuvent que renforcer l’authenticité d’un produit, commente Alain Farine, directeur du bureau de l’Association suisse des AOP-IGP. On voit qui est derrière le fromage, cela rassure et permet de lutter contre la déshumanisation de la production alimentaire.» Le code QR s’imposera-t-il comme un outil permettant de renforcer les liens, parfois très distendus, entre producteurs et consommateurs? Ce n’est pas impossible. Toutefois, le consommateur, s’il est de plus en plus connecté, n’a toujours qu’un laps de temps restreint pour analyser le contenu de son cabas.